Pulchellus

Ministre un jour, ancien ministre pour toujours ! (Par Tibou Kamara)

On est plus ancien ministre que ministre ", aime-t-on à rappeler, tant à ceux qui pensent pouvoir faire carrière au gouvernement qu’à ceux qui deviennent si dépendants de leurs fonctions qu’ils en font une fin en soi, une question de vie ou de mort. Nicolas Sarkozy, face à ses ministres qui semblaient se plaindre de la corvée ministérielle — car il n’y a que sous les tropiques qu’être ministre rime avec fainéantise dorée plutôt qu’engagement sacrificiel — rétorquait : « Je sais que c’est chiant d’être autour de cette table, mais c’est encore plus chiant de ne pas y être. »
Chacun s’attend à ce que le réaménagement technique du gouvernement, qui vient d’être opéré, soit suivi d’un remaniement ministériel dont l’ampleur et la portée restent encore un mystère insondable. Alors qu’on ne l’espérait pas à ce moment précis, après avoir été maintes fois annoncé puis sans cesse reporté — en raison de la difficulté de l’exercice et sans doute d’autres considérations — la nouvelle équipe, ancienne ou constituée d’autres recrues, est attendue avec fébrilité et anxiété pour les uns, espoir et impatience pour les autres. On saura, une fois la liste des ministres publiée, si l’on s’inscrit dans la continuité ou si l’on acte une rupture à la veille d’un marathon électoral, avec en perspective des batailles politiques ardues et homériques.
Si les Guinéens aiment voir tomber des têtes ou spéculer à propos des membres du gouvernement entrants ou sortants, ils sont encore plus préoccupés par les défis insurmontables du quotidien et les incertitudes angoissantes de l’avenir, proche comme lointain. Le gouvernement y demeure toujours pour quelque chose, tout comme la performance et la moralité des hommes et femmes qui dirigent le pays.

Mais, pour ce qui est des nominations à des postes de responsabilité dans l’administration ou à des hautes fonctions dans l’État, tout comme le changement de gouvernement, cela concerne avant tout celui qui nomme, ceux qui sont nommés ou qui aspirent à l’être. Ce moment, où tous les appétits et folles prétentions se déchaînent, ressemble à une véritable ruée vers l’or. Une fois le graal décroché, on s’y accroche comme à une bouée, plus qu’on ne met un point d’honneur à accomplir sa mission et à s’acquitter de ses devoirs impérieux.
Coluche le disait avec humour : « Le gouvernement s’occupe de l’emploi. Le Premier ministre s’occupe personnellement de l’emploi. Surtout du sien. » À l’heure actuelle, les ministres semblent davantage préoccupés par la préservation de leurs emplois, objets de tant de convoitises, que par celle du pays, qui peut attendre.
Dans un pays où tout le monde se considère “ministrable”, éligible à toute fonction, et aspire à prendre la tête de l’État ou, à défaut, à accéder à son plus haut sommet, plus personne ne s’interdit rien ni ne met de limites à ses ambitions.

Le jour où l’on comprendra que se retrouver dans certaines positions à des moments critiques de l’histoire n’est pas forcément un accomplissement personnel ou la chance d’une vie, mais peut être ce « détail » qui scelle un destin et condamne à jamais, on fera plus attention, on se bousculera moins au portillon d’un gouvernement, et l’on sollicitera moins le chef de l’État du moment.
Dans un contexte d’impunité et d’insouciance, on ne mesure pas les dangers inhérents aux titres et honneurs que confère l’État, car l’on ne pense qu’aux attributs et privilèges dont on jouit avec mépris et arrogance.
C’est pourquoi il y a toujours beaucoup d’appelés, sûrs d’eux, mais déçus et malheureux de ne pas figurer sur la liste restreinte des élus. Il reste à savoir si l’on préfère être l’élu de quelqu’un ou de Dieu, car si la promotion tant convoitée tient aux hommes, seul Dieu peut nous épargner des mauvaises tentations et nous protéger de toutes les passions.
Que chacun de nous soit préservé du bonheur d’un jour qui fera son malheur pour toujours : “du banc des ministres au ban de la société, il n’y a qu’un faux pas”, selon Henri Jeanson.

Tibou Kamara

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